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Sainte Hélène, la bourse, les monnaies, l’Europe et l’immobilier.

Par Bartolomeu

En janvier 2010, ITeM info publiait, dans le cadre de notre Workshop n°2, un article prémonitoire de Bartolomeu, intitulé la bulle sociale. Dix huit mois plus tard, bon nombre des risques systémiques qu »il avait alors identifés se sont avérés réels. Le métamodèle fondé sur l’endettement et l’étalon dollar se fissure chaque jour d’avantage. Et l’interrogation sousjacente se fait plus cruciale que jamais : assistons-nous à une Nième crise partielle ou sommes-nous déjà entrés dans la transition vers un nouveau modèle, fondé sur d’autres modes de vie et d’autres rapports à la valeur ?

La Rédaction

La Sainte Hélène approche à grands pas. Après une quinzaine sulfureuse, la grande braderie a pris fin sur les marchés financiers. Les pertes sont de l’ordre de 15 à 25%. On a côtoyé les records de pourcentage de baisse/nombre de jours.

C’est en soi un phénomène qui porte à l’interrogation. Plus étonnant encore est de noter que les ventes paniques, celles qui se produisent dans les dernières minutes de la journée avec de très forts volumes et qui plombent les indices, ont été le fait de gros fonds, les hedge bien entendu, mais on a assisté aussi à des délestages massifs d’organismes de placements collectifs, ordinairement plus installés dans la gestion à long terme. Habituellement, ces ventes proviennent des petits porteurs, alertés par leurs quotidiens préférés. Mais en cette saison, ils se caillent sur les plages de Cap Breton ou de la Trinité, ce qui leur permettra de se sentir plus légers à la rentrée.

A noter que la fonte des avoirs, si elle devait durablement se confirmer, affecte les portefeuilles des institutions de retraite, perspective plaisante lorsqu’on sait qu’il faudra au-delà de l’élection présidentielle rouvrir le dossier et les négociations.

La correction, qui a mis fin à douze jours de baisse discontinue, a été pour l’instant de faible ampleur et de très courte durée. Situation relativement anormale et fort inquiétante si elle devait se confirmer.

Ce changement semble marquer la fin d’une époque boursière qui a pris son essor avec l’arrivée de Ronald Reagan… Il y a trente et un an. Epoque du retour à la confiance sur le dollar. Après une agonie sans fin, Standard and Poor’s vient de signer l’acte de décès du dollar roi. Celui qui s’était substitué à la livre sterling comme passage obligé de toute transaction internationale. Sauf exceptions dérisoires, nous continuons à payer en dollars nos achats de pétrole. Il est possible que demain ce soit en euros, au moins à Téhéran.

Il n’y a là rien de réjouissant puisque, comme moyen de paiement, on substituerait alors à une monnaie passablement malade,une autre monnaie, dont on peut se demander légitimement si elle existera encore à la Saint Hélène 2012. L’or, qui approche des 1.800 $ l’once, contre 35 statutairement le 14 août 1971, témoigne de la fuite devant le papier.

Cet évènement boursier conduit à s’interroger sur la durabilité des systèmes monétaires dominants ; indubitablement, le système est plombé, la crise systémique avérée. Après avoir nourri durant quelques décennies bien des débats entre les afficionados des crises, elle s’évade aujourd’hui de la théorie, prend place dans la réalité et concerne tous les investisseurs.

L’explosion de la Grèce est à peu près de même nature que celle d’un réacteur japonais ; le silence n’empêche pas les fuites.

Aujourd’hui, il semble bien que les dettes souveraines soient entrées en fusion. Peu importe que l’explosion se produise demain ou après-demain, à Athènes, Lisbonne, à Madrid ou à Rome, on sait à présent que ça va péter.

Au demeurant, même si l’on trouve la mèche, personne ne dira où elle est : secret anti panique oblige. A tel point, par exemple, que la Société Générale et UniCredit démentent aujourd’hui la rumeur d’un «sauvetage» obligé. La deuxième banque française et la première italienne seraient dans l’incapacité d’absorber les pertes grecques, celles décrétées en quelque sorte après le récent sommet de Bruxelles dont on nous avait dit qu’il était un succès. Les deux banques ont évidemment opposé un démenti.

Tout cet embrouillamini financier a des causes multiples qui occuperont les bibloithèques des étudiants dans un demi-siècle : financement débridé des guerres aux Etats-Unis, plans de déstabilisations régionales un peu partout, construction d’Etats en Europe, plus généralement investissements publics hasardeux, soutien sans limites à l’emploi industriel, pourtant perdu puisque voulu et organisé par des conférences destinées à faire tomber les frontières douanières.

Et l’on retiendra que son fondement tient, ici et là, au profond désengagement de l’Etat, condition première de l’expansionnisme de la globalisation, ou de la mondialisation, comme l’on voudra.

C’est vraisemblablement dans cette direction qu’il faut scruter le ciel ; c’est bel et bien à une décision politique majeure à laquelle il faut s’attendre dans les temps qui viennent, une nouvelle règle du jeu visant à empêcher, ou plus vraisemblablement à reporter le pire. Seuls les Etats-Unis sont en mesure de dicter cette nouvelle donne, ils l’ont fait plus ou moins régulièrement dans leur Histoire, donc dans la nôtre.

Avant la Sainte Hélène ? Espérons-le. Car on voit mal comment le système bancaire résistera encore longtemps à un nouvel accident. La faillite de Lehmann Brothers apparaîtrait alors comme un épiphénomène(1).

Les conséquences seraient considérables. La crise économique accompagnerait la crise financière, ouvrant la voie à une crise monétaire sans précédent. En particulier en Europe où l’Euro ne résisterait pas. Sa disparition déboucherait sur une série de dévaluations compétitives, le rétablissement bien entendu temporaire de frontières douanières plus ou moins non dites et donc, par voie de conséquence, s’ouvrirait une longue période de chômage. Que ceux qui en doutent se penchent sur le taux de chômage des jeunes en Europe. Ou encore dans les poches urbaines des populations issues de l’immigration.

Le plus inquiétant, comment dire terrible sans faire peur et donc porter atteinte à la crédibilité du raisonnement, serait alors les conséquences de la crise immobilière. Les spécialistes, ceux dont le métier est de taire la bulle dont ils se nourrissent, nous garantissent, encore à l’instant, que jamais les prix de l’immobilier ne baisseront, ignorant superbement les courbes de Friggit qui mesurent l’évolution des prix de l’immobilier par rapport aux revenus et démontrent l’extrême dangerosité du marché. Pourtant le risque d’une baisse puis d’un effondrement des prix est bien réel. Les phénomènes d’accumulation propres aux périodes qui marquent l’apogée des folles spéculations sont visibles. Ils sont le révélateur constant des retournements de situation.

Dans cette hypothèse, l’explosion subite, systémique, de l’appareil bancaire, aurait un effet accélérateur et multiplicateur sur l’éclatement de la bulle immobilière(2).

Economiquement, cet affaissement du marché aurait une portée dont on ne peut qu’imaginer les conséquences, sans les cerner tout à fait. Combien de jeunes ménages privés de l’un de leurs deux revenus auraient alors à se dessaisir sous la contrainte de leur appartement ou de leur maison, à un prix inférieur à celui d’acquisition, dix – vingt – trente pour cent, sans avoir remboursé une part significative de leur emprunt contracté pour des périodes extrêmement longues, se retrouvant alors sans logement et devant encore des sommes suffisamment importantes à leurs prêteurs pour ne pas pouvoir trouver un logement en location ?

Comment ignorer que nous sommes, dans cette perspective, assis sur une poudrière ?

© Bartolomeu, 10 août 2011. Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur.

Notes

(1) NDLR. Comme l’avait été celle d’ENRON il y a 10 ans.

(2) NDLR. Voir Workshop n°3 Immobilier : bulles ou effondrement ?, Yves Schwarzbach, juin 2010.

Tag(s) : #Economie, #Bartolomeu
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