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Par Bartolomeu
Après s’être interrogé sur la fragilité de la monnaie européenne – L’euro, maladie infantile de l’Europe. 13 septembre 2011 – Bartolomeu évoque ici l’hypothèse d’une malformation originelle de la devise communautaire. Rédhibitoire ? *
*Adjectif qualifiant un défaut de qualité qui rend la chose impropre à son usage normal.
Le projet d’une monnaie unique ou commune est plus ancien que beaucoup d’européens n’en ont conscience. Le premier projet est contenu dans le rapport Werner en 1970. Avant même la décision prise par Richard Nixon, le 15 août 1971, de la fin de la convertibilité en or du dollar. On notera que la toute première monnaie européenne fût, en quelque sorte, l’unité de compte utilisée plus particulièrement pour les règlements agricoles.
C’est dans cet esprit, si ce n’est cette perspective, que la Communauté Européenne décida en mars 1973 de se doter d’un Fonds monétaire européen, dont les principes de constitution et de fonctionnement empruntaient largement à ceux du FMI.
Les premières discussions sur la question d’une monnaie unique ou commune mirent en évidence une ligne de fracture. Fallait-il, comme la France le souhaitait, déterminer dès l’origine des parités fixes ? Ou, au contraire, tenir compte des différences des situations économiques de chaque Etat comme le soulignait, par exemple, dès le 16 juillet 1969, Guido Carli, Gouverneur de la Banque d’Italie, qui présente alors un rapport dans lequel il analyse les problèmes que posent l’adhésion du Royaume-Uni au marché commun en ce qui concerne les questions monétaires (Archives historiques des Communautés européennes, Florence, Villa Il Poggiolo. Dépôts, DEP. Edoardo Martino, EM. EM 168).
A cette époque la CEE est constituée des six pays fondateurs. Ce n’est qu’en 1973 que le Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande y seront admis, augmentant les disparités des situations régionales. André et Tony Grjebine dans «La réforme du système monétaire international», paru aux P.U.F. en 1973, abordent brillamment la question des taux de change. Ils mettent en garde contre un choix idéologique maximaliste qui conduirait à adopter, le moment venu, des parités immuables : « Si, dès maintenant, on cherche à mener des politiques économiques similaires dans les neufs pays de la Communauté, on risquera de développer encore plus les pôles de croissance actuels : Ruhr, région parisienne, Londres, Italie du Nord, qui seront entourés par des zones sous-développées et en voie de dépeuplement : Bretagne, Auvergne, Italie du Sud, Ecosse, Irlande, etc. ». Et de poursuivre : « soit on rapproche dès maintenant les politiques économiques et on fige les différences qui caractérisent aujourd’hui les régions européennes, risquant par la même l’éclatement de la Communauté, soit on se propose de rapprocher les évolutions économiques des différentes régions européennes, mais il ne faut plus prétendre rapprocher les politiques économiques ». Avant de conclure : « il est clair qu’on ne peut pas utiliser la même politique pour maintenir la croissance de la Ruhr et pour sortir l’Irlande du sous-développement ».
Il est évident que les composantes structurelles des Etats, alors et aujourd’hui, présentent de substantielles différences : taux d’industrialisation, taux d’activité, taux de chômage, mécanisation de l’agriculture, infrastructures en tous genres marquent des différences qui affectent en retour les politiques régionales et les politiques budgétaires des Etats.
Il est pertinent de dire, comme le firent ces deux auteurs il y a trente-huit ans, « qu’en interdisant des adaptations progressives des taux de change, le système des changes fixes conduit à des crises spéculatives » puis à des situations inextricables, des franchissements de seuil sans retour.
André et Tony Grjebine ne traitent pas de la Grèce qui rejoint la CEE le 1er janvier 1981.
C’est pourtant à elle que l’on pense quand on prend la mesure des conséquences inévitables du choix des parités fixes qui lient entre eux les Etats ayant choisi l’euro. Et au proverbe de la Grèce antique : «Quand le feu est à la maison de ton voisin, la tienne est en danger».
© Bartolomeu pour ITeM info, 19 septembre 2011. Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur.