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Trois questions à Jean-Yves Bresson - Almadea

Gérant et fondateur de la société Almadea, société de conseil stratégique en système d’information immobilier, et expert auprès de la mission Plan Grenelle Bâtiment, Jean-Yves Bresson est urbaniste et titulaire d’un Mastère Aménagement et MOA urbaine à l’ENPC. Il a acquis une expérience transversale des différents métiers immobiliers : promotion, AMOA et du déploiement de systèmes d’information immobiliers, notamment au sein du groupe SNI (CDC) et à la Direction Immobilière de France Telecom. Il a enseigné à l’ESTP.

ITeM info : Pour les gestionnaires de parcs immobiliers, la nécessaire mise aux normes énergétiques, les innovations techniques du bâtiment et la diversification de l’offre de services du facility management constituent des défis majeurs, y compris dans une période où l’évolution des marchés immobiliers affecte les conditions de valorisation et de gestion des actifs. Comment voyez-vous l’évolution de la fonction propriétaire dans les années qui viennent ?

Jean-Yves Bresson : Nous pouvons faire une analogie avec les compagnies aériennes. Pendant de nombreuses années, ces sociétés se sont évertuées à développer l’offre de service pour se distinguer les unes des autres dans un marché concurrentiel. Cette inflation des services a été brusquement stoppée avec l’émergence d’un facteur discriminant qui n’avais pas été anticipé : être à l’heure ! Ensuite le prix est redevenu la variable d’ajustement mais toujours dans le respect de la ponctualité. La fonction propriétaire connaît aussi, en fonction des produits immobilier, cette course vers les services à valeur ajoutée, mais dans le respect de l’optimisation des charges. Cependant l’augmentation des services, si discriminante qu’elle soit, contribue-t-il réellement à la valeur ? Rien n’est moins sûr, en fait, l’« être à l’heure » des compagnies aériennes devient « respectueux de l’environnement ». Ce sera le respect de la protection de l’environnement qui contribuera certainement de façon sensible à la création de valeur patrimoniale. Il semble que cette « valeur d’efficience énergétique » influera sur les typologies de service immobilier mais aussi sur la manière de « consommer » de l’immobilier. La fonction immobilière devra ainsi intégrer de façon extrêmement professionnelle cette dimension et accompagner les nécessaires changements de comportement ainsi que l’adoption de nouvelles pratiques de l’usage de l’immobilier. Le service que souhaite l’utilisateur d’un bâtiment, c’est habiter ou travailler dans des locaux confortables, sains, économes en énergie et respectueux de l’environnement. Sur tous ces aspects, c’est le résultat qui sera plébiscité et non les moyens.

ITeM info : Selon vous, les outils de gestion, notamment les système d’information disponibles actuellement, sont-ils adaptés à ces changements ? Comment passer d’une logique de gestion à une approche systémique intelligente, alliant connaissance, diagnostic, gestion des risques ? Comme favoriser une plus grande souplesse, une réflexivité et une proactivité accrue des systèmes d’information ?

Jean-Yves Bresson : La fonction propriétaire s’est dotée progressivement d’outils de gestion sur les domaines gestion financière et gestion du flux de recettes. Le domaine de la gestion technique ou, celui plus élargi, de la sécurisation du flux de dépense technique, n’a pas fait l’objet des mêmes sollicitudes. Le rendement en capital étant largement supérieur au rendement d’exploitation, ce domaine relevait plus de la variable d’ajustement que d’une véritable dimension stratégique. Aujourd’hui, les normes comptables IFRS et l’environnement règlementaire du Grenelle de l’environnement amènent à revisiter tout le processus de la filière (commande, conception, réalisation, livraison et exploitation. Le processus est à comprendre au sens large, et inclut les financements innovants, le dialogue entre les métiers, etc. La mise en œuvre intégrée des procédés de construction, de réhabilitation et d’exploitation est l’un des principaux leviers pour abaisser les coûts à des niveaux permettant une généralisation de la performance énergétique. Les coûts sont nécessairement plus élevés dans le cas d’un processus séquentiel et non intégré. Dans cette approche systémique nouvelle, il s’agit, pour l’ensemble des acteurs, depuis le promoteur immobilier jusqu’à l’entreprise de démolition, de favoriser des logiques de travail en commun et de mutualisation des compétences, à commencer par la conception partagée entre tous les acteurs du projet, à l’image du monde de l’automobile. Cela impose d’abandonner le système informatique au profit du système d’information. Il s’agit ainsi de concevoir des systèmes d’information fondés sur les données de la matière première, la description du patrimoine immobilier et d’intégrer les différents outils informatiques au service des métiers et non l’inverse.

ITeM info : Gagner le triple pari de l’efficacité énergétique, de la réduction des coûts et du confort des utilisateurs suppose un travail collaboratif entre tous les acteurs de la chaîne de valeur. Comment remettre les besoins humains au coeur des systèmes d’information ? Comment passer d’une vision technocratique à une véritable approche manageriale ? Quels besoins de formation, d’organisation ?

Jean-Yves Bresson : Une seule réponse : l’innovation ! Mais pas l’innovation technique car l’utilisateur n’est pas suffisamment pris en compte dans la conception et la réalisation des bâtiments. L’innovation répond alors trop rarement à un besoin exprimé par les utilisateurs du bâtiment. Une vision partielle du sujet favorise ce comportement : le bâtiment est vu comme un ouvrage technique et non comme un service rendu à un usager. Dès lors l’innovation est fréquemment une réponse technique à un problème technique. Les technologies doivent être mises au service de l’utilisateur. Il s’agit en fait d’apporter des réponses économiques, sociales et environnementales à des besoins d’amélioration d’un service et de passer ainsi à la performance d’usage. C’est là le grand challenge, cette approche performantielle oblige l’ensemble de la filière de construction et de la gestion du bâti à favoriser l’ingénierie concourante, à travailler en mode projet et non plus en mode séquentielle. Dans le futur, je pense que nous n’aurons plus le choix et les besoins de formation sont immenses pour anticiper cette véritable révolution organisationnelle.

Interview recueillie le 22 mai 2012. © ITeM info – Mai 2012.

Tag(s) : #Smart city, #Immobilier
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