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Decote, empires et démondialisation. un billet (géopolitique) de Van Gulden

Ce pouvait être en août, c’est en novembre. François Hollande a gagné trois mois. Mais, tandis qu’il parle de poilus et de patrie, oubliant que l’idée de nation est "de gauche", S&P abaisse la note souveraine de la France. En justifiant son argumentation par la persistance du chômage, qui freine les réformes structurelles et la reprise. Si l'art de la litote n'était pas érigé en dogme, l’agence de notation aurait pu parler d’impuissance gouvernementale voire, plus crument, de non-gouvernance.

La paralysie gouvernementale, ou plutôt la tendance des gouvernements d’image à s’appuyer sur l’opinion plutôt qu’à fonder leur action sur la légitimité est un trait commun de ces deux vrais faux-jumeaux que sont la France et les USA. Un trait aussi caractéristique que la similaire part dominante de détention par des acteurs non-résidents du capital de leurs fleurons ou de leur dette nationale, aussi flagrant que leur semblable incapacité à préférer la réduction des charges budgétaires à l’impôt domestique ou que leur commun mépris à l’égard de leurs voisins vertueux, l’Allemagne et le Canada. Aussi suicidaire que leur désinvolture à l’égard de la dette souveraine. Les prochains sur la liste des agence de notation devraient être les USA. C'est encore un crime de lèse-majesté, mais pour combien de temps ?

Le sort des Empires est de sombrer quand leurs vassaux, anciens vaincus ou ex-colonies, échappent à leur emprise en gagnant leur indépendance économique. Une chute à laquelle prélude, comme pour Rome, un déclin lié à leur endettement public, au déséquilibre structurel de leur balance des paiements, à la dépréciation de leur monnaie et à la perte corrélative de compétitivité de leur économie. Les hommes de Yalta sont morts sans postérité politique mais Mao Zedong, Jawaharlal Nehru et Soekarno avaient raison : la victoire du Tiers Monde est aussi inéluctable que celle, autrefois, du Tiers Etat.

La Russie - qui vient de livrer un porte-avions rénové à l'Inde - a beau jeu de saisir le prétexte de la guerre civile syrienne pour s’imposer, tout comme la Chine a beau jeu de maintenir le cours de sa monnaie au plus haut. L’Inde, bientôt l’Indonésie, a beau jeu d’imposer - ou à l'image de Mahindra avec Renault, de rompre unilatéralement - des joint-ventures aux multinationales américano-européennes assoiffées. Le Brésil - qui a racheté l'ex porte-avion Foch - pourquoi pas le Mexique ou l’Argentine - qui, seule avec l’Islande, a fait un bras d’honneur à ses créanciers - auront beau jeu de dicter leurs conditions économiques et politiques. Depuis toujours, le siège de l’ONU est à New York mais ses secrétaires généraux ne sont plus ni Américains ni Européens depuis 1982. De tradition, le directeur général du FMI est Français mais Roberto Azevêdo, directeur général de l'OMC depuis septembre 2013, est Brésilien. Combien de temps l’idée impériale survit-elle à la chute de l’empire ? A l'instar des rois "barbares", préfets ou généraux de Rome, à l'image des banquiers et des avocats des Etats Généraux de 1789, les BRICS n'attendront pas pour se partager l’héritage américain.

Modestus van Gulden.

Illustration : la skyline de South Mumbai. © ITeM info novembre 2013. DR

Tag(s) : #Economie, #Van Gulden
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