/image%2F0293783%2F20140212%2Fob_c793d3_aside-bg.jpg)
Par Yves Schwarzbach, directeur d'ITeM info
Quel maître d’ouvrage, architecte ou ingénieur n’a jamais eu envie de construire sa tour ? Les tours font rêver. Un paradoxe pour les mal aimées de l’architecture contemporaine. Le classement Internet des Modernes Merveilles du Monde[i] ne compte aucune tour. Pourtant, évoqué par le dessin noir sur noir d’Art Spiegelman, l’effacement des Twin Towers de la skyline newyorkaise a marqué autant que l’impact des avions. Nées à Manhattan ou à Chicago au début du XXe siècle, les tours sont emblématiques des villes-mondes chères à Fernand Braudel. Notre époque en dresse par centaines, reformulant le paysage à Shanghai, Mumbai ou Dubaï. Faisant fi de la crise immobilère, les projets rivalisent : plus haut, plus vite, plus cher. Il a fallu cinq ans et 1,5 milliard de dollars pour construire la Burj Khalifa. Avec 828 mètres, elle était la plus haute du monde. Elle sera dépassée par la Sky City Tower, à Changsha en Chine : 838 mètres.
Cette course à la performance ne résume pas le débat sur les tours, composantes intrinsèques de la complexité urbaine. En cette deuxième décennie du XXIe siècle, réinventer la tour, dans un (grand) Paris moins moderne que celui imaginé par Jules Vernes[ii], relève de l’utopie et de l’ambition. Utopie car, face à des multilemmes en apparence insolubles : technique, financement, gouvernance, environnement, seule l’imagination nous détournera d’un irrationnel triste fait de nationalisme et de repli malthusien. Ambition car il faut donner corps aux concepts de cité-portail, de hub et de cluster. Plus que l’art de bâtir les villes, la citoyenneté des tours, l’anthropologie des quartiers de grande hauteur et leur urbanisation émergent comme enjeux cruciaux. En France plus qu’ailleurs.
Etrange héritage… Malgré un effort de construction sans précédent, le XXe siècle des fusées Saturn a légué à la France de rares quartiers de l’extrême. Plantées ici et là, quelques tours que la pudeur administrative baptise immeubles de grande hauteur. Isolats, avatars d’un urbanisme mi-hygiéniste et mi-symbolique[iii]. Depuis Mérimée[iv] et Malraux, la France soigne monuments et vieux quartiers avec une patience de retraité. Parce qu’elle craint l’innovation, elle cantonne ses tours à des territoires de deshérence comme si leur érection restait un geste honteux. Le résultat : discret bouquets de paralellépipèdes rue de Bercy, réponse mesurée aux cadrans de la tour de l’Horloge ; léger semis à Maison-Blanche entre les avenues d’Italie et de Choisy ; plate-bande aussi ordonnée qu’ennuyeuse au Front de Seine ; opaque barrière Place des Fêtes pour juguler une improbable Commune de Paris.
Certes, le Conseil de Paris a-t-il relevé le plafond de 37 mètres instauré en 1977, rendant possible la construction de nouvelles tours. Une décision que les élus pensaient historique. Deux ans plus tard, d’autres élus qualifient le projet Duo de Jean Nouvel « d'injure au paysage parisien ». Mais quelle blessure ces tours[v] causent-elles à un paysage sculpté par la Bibliothèque François Mitterand de Dominique Perrault ? Justification ou vérité, Nouvel maintient que « ces deux immeubles amplifient le plaisir d'être là. Ils vont chercher des vues, accueillent des arbres et des arbustes sur leurs terrasses et leurs sommets sont des destinations accessibles à tous ». Tradition contre modernité ou simplement le classique symptôme NIMBY[vi] ? Mais où trouver le plaisir invoqué par le prix Pritzker 2008 dans des villes sanctuarisées, où les contraintes se cumulent pour juguler l’audace architecturale ? Un paradoxe comme celui du marché immobilier des tours, dont le prix au mètre carré neuf avoisine les 10.000 euros alors que les agents immobiliers de Puteaux négocient difficilement les appartements de la vieille tour Défense 2000 à 3.500 euros le mètre carré ?
A bien des égards, la Défense reste un laboratoire unique. Plus de cent-vingt immeubles de grande hauteur s’y pressent dans un fulgurant catalogue de styles. Profusion de volumes, de verre, d’acier et de béton. On peut ne pas aimer l’esthétique fonctionnaliste mais on ne peut écarter l’idée d’élévation. Les tours sont belles quand elles jaillissent en feu d’artifice, quand les gratte-ciel rivalisent pour déchirer le ciel, sublime horizon offert aux millions d’automobilistes qui découvrent la Défense depuis les viaducs de Gennevilliers ou de Saint-Cloud. En géométrie citadine, la verticale s’affirme par rapport à l’horizontale. Isoler une tour, c’est l’amoindrir et applanir l’horizon. Surtout, c’est imposer l’idée conformiste que la beauté nait de l’uniformité. Quelques exemples magistraux témoignent pourtant de cette fructueuse confrontation. A Marseille, la tour CMA-CGM de Zaha Hadid sonne juste grâce à son dialogue avec l’horizon de la Méditerranée, rendant anecdotique la reconquête de vestiges portuaires. L’éclosion hallucinée du Chrysler Building, la baroque Taipei 101 de C.Y. Lee ou le Château Frontenac à Quebec composent la ville autant qu’ils s’imposent, tout comme l’ovoïde 30 St Mary Axe de Norman Foster au coeur de la City de Londres. A Shanghai enfin, les trois géants de Lujiazui contrastent avec l’ancienne concession internationale sur l’autre rive du fleuve. Imaginés dès 1993, la Jin Mao Tower[vii] (1998), la vertigineuse passerelle du Centre mondial des finances[viii] (2008) et la spirale transparente de la Tour Shanghai[ix] sont plus que des performances techniques, des objets architecturaux ou une affirmation de puissance. Odes à l’élévation, elles disent qu’on peut édifier la ville autrement. Liens entre sol et ciel, les tours stimulent la vie citadine aux échelles humaine, urbaine et métropolitaine. Oui, elles doivent pointer l’infini pour témoigner de la diversité.
Réinventons donc Babel puisqu’il s’agit de diversité. Le mythe biblique illustre le besoin d’altérité pour grandir. Parce que civilisée[x], la ville est cosmopolite et multifonctionnelle. A l’heure de la e-Polis, pas de cité dynamique sans multitude des hommes et des usages. La cité numérique démultiplie la présence, ajoute de nouvelles dimensions - énergie, lumière, intelligence - à l’espace. Pourtant, à l’heure des smart-grids, la mixité a-t-elle droit de cité dans les programmes ? Au XIXe siècle, les Péreire et Lafitte, à qui Haussmann concédait des avenues tracées au kilomètre, ont inventé un modèle constructif qui alliait performance économique et mode d’habiter devenu un paradigme[xi]. Nos architectes, promoteurs et investisseurs sont-ils moins ingénieux ou plus timides ? Ne peut-on mélanger les activités humaines dans un même bâtiment, alors qu’on développe des prestations uniques débouchant sur des usages pultiples, comme le vélo libre-service, ou qu’on facture à chaque foyer le volume exact de ses ordures ménagères ? Adonnée aux préoccupations gestionnaires, notre modernité craint la complexité qu’apporte la mixité. Certes, le programme Hermitage Plazza[xii] à la Défense inverse-il la proportion avec 150.000 m² de logement contre 30.000 m² de bureaux, un palace de 35.000 m², un centre commercial de 35.000 m², une salle de spectacle de 1.300 places et une gallerie d'art. Si ce parti reflète une heureuse rupture, la rénovation de la tour First a maintenu 79.000 m2 de bureaux. Les tours-jardins-villages imagées par quelques visionnaires ont-elles une chance de fleurir à la Défense, extension du Central Business District parisen ? Quant parlera-t-on de simplexité en architecture, alliant une interface très simple et une technologie de pointe ?
Babel renvoie aussi aux migrations, à la mobilité et au fait que la moitié de l’humanité vit déjà en ville. C’est évoquer l’étalement urbain et l’automobile, deux symboles d’un XXe siècle que nous n’en finissons pas d’adorer et de détester. A l’échelle du quartier et de l’immeuble, la mixité renvoie au rapport entre territoire, occupation et bâti, donc à la notion de densité. La conception classique décrit l’urbain central comme dense et cohérent par opposition au suburbain, périphérique, diffus et incohérent. Mais cette vision s’accommode mal du polycentrisme. Elle contredit le concept de ville-réseau dont les quartiers de tours sont les noeuds. D’ailleurs, de quelle densité parle-t-on ? En 1998, le PDU d’Ile-de-France imaginait la densification autour des gares, thème repris par l’Atelier du Grand Paris. En 2001, l‘exposition Extreme density Paris[xiii] explorait la densification « à travers la réalisation d’une nouvelle couche urbaine au dessus du tissu existant ». C’est encore de densité stratifiée qu’il s’agit, circonscrite à certains territoires. Aujourd’hui, la question énergétique pousse à refaire la ville sur la ville toute entière mais c’est avec prudence que Dominique Alba, de l’Atelier parisien d’urbanisme, écrit : « il peut être intéressant d’investir avec la tour certains endroits du territoire. Par exemple les endroits où l’on n’a pas beaucoup de sol disponible à cause de réseaux ferrés ou routiers ». Un esprit frondeur pourrait entendre qu’il faut parquer les tours là où on ne peut construire autre chose. Et peut-être y loger les mal-logés, surprenant écho au discours de ceux qui édifièrent les tours et barres des Trente Glorieuses, ici réhabilitées, là dynamitées... Faut-il reproduire la mauvaise densité de quartiers paradoxalement peu denses mais discontinus ? Héritiers d’un urbanisme désintégrateur, les maîtres d’ouvrage urbains n’ont pas encore compris la sociologie. Si l’humanité crée partout des dynamiques collectives, l’inclusion se fait dans des cultures underground et parfois déviantes à défaut d’y parvenir dans une société globale inscrite dans la continuité urbaine. Dès lors, comment refonder la proximité en juxtaposant des monolithes ?
Rénover notre réflexion signifie donc accepter l’idée sacrilège de tours jointives. Des pueblos verticaux ou des architectures vernaculaires dans les lezardes de la modernité, qui consommereraient moins de surface au sol et minimiseraient l’espace public résiduel. Celui-ci se définit d’ailleurs par sa porosité avec les tissus riverains et non par son statut de propriété. Sa raison d’être est d’accueillir les échanges. Les bâtisseurs américains du début du XXe siècle l’avaient compris en inventant le lobby. Espace intermédiaire, ce lieu public-privé, comme dirait l’architecte et urbaniste Carmen Santana, unit la rue et le gratte-ciel. Bien sûr, comme au parvis de la Défense, les aménageurs s’efforcent de remplir ces vides. Mais la dissémination d’oeuvres, de Calder à Takis, fait-elle de la dalle un vrai musée en plein air ? Face à un manque d’être presque sartrien, la végétation du jardin suspendu adoucit-elle les moeurs ? On trouve certes des amoureux sur ces bancs publics. Mais la nuit, comment vit-on avec pour seuls compagnons le vent et la rumeur des voies rapides ? Réussite partielle, sans doute : mieux valent quelques arbres qu’une exclusive minéralité. Mais on est aussi éloigné de la nature urbaine, celle de l’immense Central Park, du vaste Tiergarten de Berlin ou de l’énergique Millenium revisité par Franck Ghery, que de l’agriculture urbaine et solidaire qu’il faut réintroduire. L’humanité, comme Antée, a besoin d’arpenter la terre pour vivre dans sa chair, son souffle et son âme, au rythme du métabolisme qui l’unit aux 5,6 milliards de citoyens de la ville mondiale.
Revenir au sol pour y planter des tours ? Plus que l’iconique skyline, ce qui frappe à New York et à Chicago, c’est la profonde affinité entre les gratte-ciel et la rue, comme si l’immeuble naissait de la terre. En France, la tour reste un objet hors sol. Réminissence confuses d’un Corbusier qui aurait renié son rêve de Cité Radieuse en contemplant la barre Mouchotte de son disciple Dubuisson... Séquelle de l’urbanisme de dalle, hétérotopie qui auraient épouvanté Foucault… Les historiens d’art disent que l’architecture gothique, alliance d’élévation et de vide, conserve l’échelle humaine. Les cathédrales de Cologne ou de Strasbourg ouvrent leurs portes sur la rue. Pourtant, comme les temples antiques juchés sur un piédestal, les édifices de la Défense ou du Front-de-Seine s’isolent. Exhaussés, ils composent d’étranges géométries de rampes et d’escaliers, improbables triangles de Melrose où le passant erre comme le regard dans un dessin d’Escher. Réussir la tour moderne, c’est d’abord rendre leur fonction de transition à ses accès, en réunifiant les échelles humaines et monumentales. C’est ensuite redonner vie à un sur-sol anthropisé à l’extrême, comme celui de la planète Trantor, capitale de l’Empire galactique d’Isaac Assimov[xiv]. Reconquérir le vide, couvrir la nudité urbaine qui frissonne sous les vents mauvais. Donc réinventer la rue, la sortir des tunnels qui l’emprisonnent, redonner le passage et ouvrir le pied des tours à la vie.
Quant à l’écologie, qu’elle soit d’abord urbaine. Le contact avec l’autre est fondammental mais nous continuons à l’éluder dans nos PLU, PADD[xv] ou plans Climat Energie. La ville durable est d’abord une ville faite pour les gens. C’est une ville sobre mais aussi socialement, économiquement et culturellement attractive. Cité écologique, oui, mais dont la gouvernance s’adapte aux besoins humains et aux aléas climatiques. Or, pour réduire nos émissions de carbone, nos méta-documents d’urbanisme concentrent plus de logements et d’activités tandis que notre droit engendre une cité de « bouteilles thermos », pour reprendre l’expression de Franck Boutté.
Nos élus et nos maîtres d’ouvrage urbains sauront-ils résoudre les contradictions sociales du développement durable ? L’enjeu des nouveaux quartiers de tours, démonstrations technologiques mobilisant des centaines d’experts mais aussi machines à dévorer du capital comme aimait les décrire Zola, est d’abord celui de la gouvernance urbaine et patrimoniale. Résoudre de façon décentralisée des questions planétaires relève du développement soutenable mais la question énergétique occulte le débat démocratique, comme le montre l’actuel débat sur la transition, affaire de spécialistes que l’on croirait cooptés. Nombreux sont pourtant les appels à projet d’écoquartiers qui intègrent une logique bottom-up et envisagent une co-conception avec les habitants. Le monopole des sachants, aménageurs, maîtres d’ouvrages, maîtres d’oeuvre, financiers, bailleurs, facility-managers, énergéticiens, etc., se fissure. Verra-t-on un jour surgir une tour coopérative, phalanstère moderne et ultime refuge d’une utopie que le pragmatisme évinçait de nos villes ?
Le second enjeu apparaît quand économie rime avec énergie. On dit que les tours sont des gouffres énergétiques. Quel bilan carbone après intègration des rejets liés à l’énergie nécessaire à produire l’acier, le ciment et le verre, de la noria de camions et ceux liés à l’exploitation ? « Du point de vue écologique, les tours qui sont aujourd’hui construites à Paris doivent respecter le plan climat parisien, à savoir 50 kw en energie primaire », écrit Dominique Alba, qui ajoute : « la tour du TGI[xvi] (…) ou la tour Triangle seront réalisées avec cet objectif énergétique, ce qui n’est pas le cas des tours déjà existantes ». Peut-on imaginer une tour à énergie positive ou du moins passive ? Le défi technique est déjà relevé en Chine et à la Défense. La tour Majunga de Jean-Paul Viguier[xvii] cumule les labels : BREEAM[xviii], HQE[xix], BBC[xx]. Mais « il ne suffit pas d’avoir les schémas et les plans », rappellait Oscar Niemeyer peu avant sa mort. La performance énergétique, c’est d’abord le comportement des utilisateurs.
Peut-être faut-il aujourd’hui écrire l’anthropologie culturelle de l’élévation. Où réside l’humanité parmi les tours ? Masses macluhaniennes ou mobiles branchés ? Flux et reflux aux heures de pointe, ratios pour le dimensionnement des espaces ? Personne ne croit sérieusement que le Parvis de la Défense est une place de la ville de Puteaux. Mais que penser de cette femme, cadre d’une société internationale, qui préfère dormir dans un hôtel à la Défense plutôt que Quai Malaquais ? Commodité ou choix délibéré ? Tuer le temps parmi les tours, sans doute. Quant à y vivre... Oui, comme l’écrit un blogueur habitant une tour de la Défense : « Lorsque vous dites que vous vivez dans une tour, les gens vous regardent d'un air apitoyé. Ils n'osent pas trop vous le dire, mais ils vous plaignent d'habiter dans une de ces cages à lapin : Moi je ne pourrais pas vivre aussi haut ». Mais quand une entreprise installe son siège dans un IGH, ses salariés suivent. Bon gré, mal gré.
Priviège ou une perte d’identité ? Au sens propre parfois, vivre ou travailler dans une tour expose à changer de repères. Symboliques d’abord. On raconte ainsi que, après une multitude d’incidents et de retards sur le chantier de la tour HSBC de Norman Foster[xxi], des ouvriers chinois déclarèrent qu’un dragon, endormi dans les profondeurs, s’était réveillé à cause du bruit. Il paraît qu’on apaisa sa mauvaise humeur par des rituels. Repères physiques ensuite. La modeste tour Paris-Lyon possède une salle de réunion au 17e étage. Malgré une jolie vue sur le jardin des Plantes, les salariés lui préfèrent celles du sous-sol. C’est qu’un insidieux roulis survient par vent modéré ; l’oscillation est perceptible les jours d’orage. Dynamique, la structure d’une tour vit avec le ciel. A la différence d’un avion, elle est à la fois enracinée et projetée. Regarder le monde depuis ses fenêtres, c’est prendre la mesure des éléments et défier le possible. Au début du XVe siècle, maître d’ouvrage de l’improbable donjon de Bonaguil, Béranger de Roquefeuil contemplait avec orgueil l’espace depuis sa tour profilée comme une étrave, lui qui pensait défier le roi. Semblable est la vue panoramique depuis le quinzième étage du centre anti-cancéreux de Villejuif. Façon de défier la mort et leçon d’histoire francilienne : Suresnes et le mont Valérien, la Défense et l’Arc de Triomphe, la tour Eiffel et Montmartre, Montparnasse, Belleville et Bercy, la mer pavillonnaire d’où saillent, îlots gris clair, les barres de la banlieue. Pourquoi bouder le plaisir d’embrasser du regard la Ville Lumière, la région capitale ?
Au delà d’une esthétique contemporaine qu’il faut enfin assumer, la ville technologique appelle la réhumanisation. La Défense concentre près de 150.000 emplois. Un chiffre élevé mais qui ne représente que 2,5% du total francilien. Quelques vingt mille habitants y vivent. Moins que dans le IIe arrondissement de Paris, autant que dans la commune de Courbevoie. Une petite ville, sans place de la Mairie, sans café du coin ni commerce de proximité. Les tours vont bien avec les malls. Et mal avec la convivialité. Organise-t-on la fête des voisins dans les logements de la Défense ? Où les enfants font-ils du vélo ? Dans les tours de bureaux, on se croise sans mot comme on se bouscule sur le quai du métro ? A peine se salue-t-on quand on appartient à la même compagnie.
La civilité tient à peu de choses. A Buenos Aires, les cadres font patiemment la queue en attendant l’ascenseur dans le hall des edificios de bureaux. Mêmes contrôles d’accès, mêmes atriums qu’ici, pourtant, là-bas, les gens dialoguent. Le vivre ensemble caractéristique de la société post-carbone reste à inventer, dans les tours comme à leur pied. Car la vraie densité urbaine, c’est la vie en commun.
Première publication in revue Centralités#1, septembre 2013. DR
Notes
[i] New Seven Wonders Foundation, http://www.new7wonders.com
[ii] “Paris au XXe siècle”, roman posthume, 1863. Hachette – Le Cherche Midi en 1994.
[iii] On peut citer, notamment l’historique tour Perret à Amiens[iii], la nantaise Tour de Bretagne (1976) et la tour Thiers de Nancy (1975), Kapla de verre toujours controversé, mais aussi la solitaire tour Pleyel (1973), survivante d’un projet de quatre jumelles, perdue comme une île sur son carrefour au nom de piano de concert, l’ emblématique crayon de Lyon Part-Dieu (1977) et l’éliptique tour Montparnasse (1973), fichée entre des rues du Départ et de l’Arrivée qui témoignent d’une gare disparue…
[iv] Outre son oeuvre d’écrivain, Mérimée réalisa en1842 un classement des monuments historiques.
[v] Hauteur respective : 180 et 115 mètres de haut Programme : 75.000 m2 de bureaux, des commerces et un hôtel de 15.000 m2. Livraison 2018.
[vi] Not in my backyard, c’est à dire “pas dans mon arrière cour”. 60% des Parisiens seraient opposés à la construction de tour “intra muros”.
[vii] 421 mètres, 88 étages. Architetes Skidmore, Owings and Merrill, 1998.
[viii] 492 mètres pour 101 étages, 2008.
[ix] Conception agence Gensler. 632 mètres, 127 étages, surface de 380.000 m2, achèvement 2014
[x] Voir Article “Ville numérique, ville (enfin) civilisée”. Yves Schwarzbach, www.itemnews.unblog.fr, 2011.
[xi] Voir la stratification sociale au sein des immeubles haussmanniens.
[xii] Architecte Norman Foster, Maître d’ouvrage : groupe Hermitage. Surface totale 250.000 m². Livraison prévue 2018-2019.
[xiii] School of Architecture at the University of Technology, Sydney. Exposition sous la direction de Frank Minnaërt, architecte.
[xiv] Isaac Asimov, Fondation, 1951.
[xv] Projet d'aménagement et de développement durable, document décrivant, au niveau d’une collectivité locale, les orientations de politique urbaine durable.
[xvi] Attribuée après concours à Renzo Piano. Livraison prévue en 2016.
[xvii] Maître d’ouvrage Unibal-Rodamco, entreprise Eiffage. Livraison 2014.
[xviii] “BRE Environmental Assessment Method" ou la méthode d'évaluation de la performance environnementale des bâtiments développée par le BRE Trust, groupe privé britannique.
[xix] Haute qualité environnementale.
[xx] Bâtiment basse consommation.
[xxi] Hong Kong, achevée en 1986.