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Illustration ITeM info. DR.
Illustration ITeM info. DR.

Par Modestus van Gulden.

Même engluée dans le dilemme de sa dette, la France continue imperturbablement à engloutir des milliards d'euros d'argent public dans des aménagements hasardeux. Il est vrai que, dans un pays capable de trouver 3,5 Md€ de recettes supplémentaires en 24 heures, rien ne surprend plus. Les exemples de dérapage des coûts d'aménagement dans les innombrables ZAC de notre beau pays ne se comptent pourtant plus. La ZAC des Bords de Seine à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, voit ainsi son déficit cumulé passer de 670.000 € fin 2010 à 1,5 million d'euros fin 2011. Soit + 150%. Même les chiffres de croissance décidés par le Parti en Chine ne font pas mieux. Déficit 3,5 millions d’euros pour la ZAC du Camp de Royallieu à Compiègne, pour un budget d'investissement de l'ordre de 24 M€ en 2012. Même motif et même punition ailleurs : 28 M€ de déficit pour la ZAC des Bords de Seine à Ermont (Val d’Oise), épinglée en 2011 par la Cour des Comptes. Près de 9 M€ versés par le Grand Lyon et la ville de Lyon pour équilibrer le bilan de la ZAC Mermoz, soit 36% du total des produits (24,9 M€). Idem, 28 M€ de participation de la ville de Rouen au bilan de la ZAC Luciline – Rives de Seine, sur un total de 49,5 M€, avec de plus un coûteux portage foncier par l’EPF Normandie. La participation de Bourges au déficit de la ZAC du Moutet s'élève à 3,755 M€. Tirant des plans sur la comète, les élus considèrent que ce déficit sera « compensé par la commercialisation des surfaces de la future zone 2 située au nord, en cas d'extension du périmètre de la ZAC ». Qui n'a rien de certain. Participation encore de 7,4 M€ de de Lille Métropole, sur un coût total de 11,9 M€ pour la ZAC du Front de Lys. A Narbonne, le bilan financier prévisionnel de la ZAC du Théâtre, dont le coût atteint 21 M€, prévoit une participation communale de 10 M€. La chambre régionale des comptes avait pourtant émis des réserves dans son rapport définitif sur le sujet. Projet de l'ancienne municipalité, cette ZAC programmait 650 logements dans une ville où le taux de chômage atteint 19,5%. De quoi en effet s'interroger sur la solvabilité des acquéreurs. La CRC pointait d'ailleurs des prix de vente « de nature à hypothéquer la rentabilité de l'investissement ». Elle ajoutait : « les contraintes induites devaient générer un prix de vente élevé, sans qu'aucune étude préalable n'ait été réalisée sur l'existence d'une clientèle potentielle pour ce type de produit ». Enfin, un déficit prévisionnel de rien moins que 60 M€ était anticipé lors du lancement de la ZAC Château des Rentiers dans le 13e arrondissement de Paris, avec comme corollaire une participation de 59 M€ pour la Ville, justifiée en 2002 par la nature de l’opération, qui comportait assez classiquement la réalisation d'un jardin public et de logements sociaux. Les élus parisiens parlent alors d'investissement public.

Bref, mixte ou pas, le modèle économique des ZAC revient trop souvent à reporter le risque et la charge financière des aménagements sur les budgets des collectivités, charge plus ou moins masquée dans des budgets annexes. Des budgets annexes dont la transparence n'est pas toujours suffisante, comme l'observe la Chambre régionale des comptes de Poitou-Charentes à propos d'une ZAC en banlieue d'Angoulême. A quoi sert donc l’économie mixte que postule la procédure ? Née de la vieille LOF de 1967, la ZAC avait été conçue comme une procédure dérogatoire permettant la participation des promoteurs-constructeurs au financement d’équipements publics. Une manière intelligente de réintégrer dans la chaîne de valeur la plus-value immobilière générée par l’aménagement.

Désormais incluse dans le droit commun des PLU et de la taxe d’aménagement, la ZAC est devenue la bonne à tout faire des fameux « maires bâtisseurs ». Qui en usent et abusent sans prendre en considération l’évolution de marchés immobiliers fragiles et régis par la demande. Longue et complexe, la procédure aboutit souvent à lancer des opérations contracycliques. Une lourdeur administrative à laquelle s’ajoutent des contentieux de plus en plus fréquents, mal anticipés et souvent mal gérés par les aménageurs. Résultat : surdimensionnement, positionnement imprécis des produits immobiliers, phasage irréaliste et sous évaluation des risques entrainent de dramatiques retards de commercialisation. Avec pour corollaire un dérapage ménanique des frais financiers intercalaires et la détérioration de la rentabilité des opérations. Résultat : des charges foncières incomptabiles avec l’équilibre des bilans des promoteurs, une explosion de la dette dans les bilans des aménageurs, et parfois de la cavalerie financière, certaines SEM se trouvant containtes de refinancer les opérations in extremis, avec la caution des collectivités locales.

Bref, le volontarisme aménageur atteint ses limites, celle que la crise des finances publiques la crise des finances publiques apporte à des ambitions locales parfois démesurées. Les choses changent cependant peu à peu. Des 2011, la Communauté urbaine de Bordeaux s'engageait dans la voie de l'urbanisme négocié. En préférant la procédure du Programme d'Aménagement d'Ensemble (PAE) à la traditionnelle ZAC. Dans le cadre de la convention de partenariat et d’engagement sur la qualité et l’innovation du projet urbain des Bassins à Flot, l’Atelier des Bassins réunit ainsi les institutions partenaires du PAE (CUB, Ville, Grand Port Maritime de Bordeaux), et l’architecte-urbaniste conseil du PAE. Cette instance assure le suivi du PAE et anime le dialogue nécessaire à un véritable urbanisme de projet, en lien avec les porteurs de projets. Même tendance à Toulouse Métropole, longtemps berceau d'un urbanisme à tendance dirigiste mais où de nombreuses ZAC restent en panne. Le nouveau PLU, adopté en 2013, préconise lui aussi l'urbanisme négocié. Surtout, il innove en modulant l'obligation de réalisation de logements sociaux selon les zones et offre aux promoteurs la possibilité de s'acquitter de cette obligation par la construction de logements en accession sociale à la propriété. « Avec une philosophie consistant à éviter les graphies de détail qui figent trop les formes et ne permettent aucune discussion», commente Toulouse Métropole.

Car la planification territoriale est un outil, au service d'une politique locale et d'une communauté de vie. Elle ne peut être un carcan, au risque économique de fragiliser d'avantage les marchés immobiliers mais aussi d'obérer la réalisation des objectifs sociétaux et environnementaux de l'urbanisme durable. « La règle de droit n’est pas suffisante s’il n’y a pas de réelle concertation entre les parties prenantes. Le projet en amont n’est pas une fin en soi, il faut pouvoir passer en toute confiance au stade opérationnel. Et dans ce cadre, le dialogue est bien plus productif que la contrainte, à condition de réunir à la fois des intentions fortes et une certaine pérennité des choix » observait d'ailleurs Michel Idé, adjoint chargé de l’urbanisme à Lyon lors d’entretiens du CERTU consacrés à l’urbanisme négocié en 2012. Dans ce cadre, PUP et PAE semblent être des cadres plus souples et plus évolutifs que la procédure de ZAC. Reste l'indispensable sécurisation commerciale, économique et financière des opérations d'aménagement. Un domaine dans lequel collectivités locales, aménageurs et établissements publics fonciers ont sans doute beaucoup à apprendre des promoteurs privés.

© Modestus van Gulden pour ITeM info. Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur auteur.

Tag(s) : #Territoires, #Immobilier, #Economie, #Van Gulden
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