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Tour triangle : le vote de la honte

Le conseil de Paris rejette le projet de la tour Triangle. Inutile de revenir sur l’opposition de basse politique entre les deux anciennes rivales de mars. Ni de gloser sur la coalition Tartempion réunissant 83 voix contre 78, mixant les Verts, le Parti de gauche, et la plupart des élus UMP-UDI dans un même conservatisme. Quant à la presse, que d’avis rétrogrades ! « Paris est une ville de toits », écrit Saïd Mahrane pour le Point. Comme si New York ne l’était pas. Passons aussi sur le syndrome NIMBY et laissons de côté les 62% de Français qui n’aiment pas les tours, puisqu’ils sont moins nombreux que ceux qui pensent que le président de la République a échoué dans la lutte contre le chômage.

Le pire est sans doute la vacuité des arguments avancés par les détracteurs du projet. Comme le note le Nouvel observateur, la tour de 180 mètres développant 80.000 m² de bureaux serait à la fois inesthétique, inutile et pas assez écologique. A voir, faits et chiffres à l’appui. Par exemple, se demander s'il est opportun de lancer une telle surface tertiaire en blanc alors que le marché est plus que maussade.

Pourtant, l’architecture et l’urbanisme du Grand Paris méritaient mieux qu’un vote à bulletins secrets et qu’une pantalonade sous les ors de l’Hôtel de Ville. On peut ne pas aimer les triangles ou penser qu’Herzog et de Meuron ne sont après tout que des Helvètes récompensés par un prix Pritzker fondé par un Américain. L’éditeur international de mobilier contemporain Vitra ne serait pas d’accord, et les héritiers du tout aussi universel Château Pétrus non plus. Au fond, dire « je n’aime pas » ne serait qu’émettre une opinion, somme toute assez peu éclairée, voire un peu trop traditionnaliste sinon parisianniste, mais après tout respectable. Je parie cependant que les défenseurs de la « linéarité » et de l’homogénétité ne roulent pas en calèche et qu’ils ont un smartphone 4G dans leur poche pour twitter leur venin.

Il est vrai que nos bons Français n’ont commencé à aimer les œuvres de Van Gogh ou de Picasso que quand Christies et Sotheby’s leur ont fait passer la barre de cent millions de dollars. Et que le salon commandé par Georges Pompidou à Yaacov Agam en 1972 fut promptement balayé par Valéry Giscard d’Estaing. Il est désormais exposé au Musée d’Art moderne…

Chez nous, la modernité se conjugue hélas au passé. Vestiges d’une grandeur passée, défis du présent et fondation d’un avenir moins étriqué font apparemment mauvais ménage dans notre pays. Mais peut-on refuser de contempler son propre reflet dans un miroir, fût-ce celui d’une façade de verre quelque part au bord du périphérique ? Car que nous montre ce reflet ? Une ville sclérosée, corsetée, enfermée, une ville de vieux, de riches et de touristes. S’y promener, c’est faire un voyage nostalgique dans le temps : Woddy Allen nous l’a bien montré dans « Minuit à Paris ». Il y a cinquante ans, la France pouvait encore se dire moderne. Elle n’est plus que vintage.

Yves Schwarzbach, directeur d'ITeM info

Voir sur le sujet des tours :

"La Tour réinventée", Yves Schwarzbach, Centralités#1

Tag(s) : #Immobilier, #Yves Schwarzbach
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