Workshop #2 - La bulle sociale
Par Bartolomeu
LE MONDE EN DESIQUILIBRE GENERALISE
Il y a un peu plus de vingt ans l’effondrement du Mur de Berlin signifiait celui du modèle économique qui un demi-siècle durant présentât une alternative pour une partie des élites intellectuelles européennes, notamment à Paris. Les insuffisances structurelles des économies collectivistes, minées par les politiques d’armement de l’Union Soviétique et la dérive de l’idéal socialiste, laissèrent croire au triomphe du libéralisme occidental.
La diminution progressive de la rentabilité du capital, la réduction tendancielle de l’investissement industriel et la faiblesse de la création d’emplois furent masqués par l’illusion de la fin de l’Histoire. Fukuyama reprenait Hegel, annonçant l’avènement du consensus universel.
Les insuffisances du respect des grands équilibres, baromètres évidents et nécessaires de la bonne santé économique des nations, auraient dû alerter des gouvernements peu soucieux d’analyser les effets pernicieux et négatifs des politiques reaganiennes.
Les économistes s’arrangèrent avec l’essentiel, l’autofinancement des entreprises dénoncé, l’effet de levier de l’endettement loué comme paramètre essentiel du management stratégique réussi.
Les stocks options conduire les dirigeants à privilégier les politiques à court terme de rentabilité, les yeux fixés sur le seul horizon boursier. Ainsi l’endettement devint une vertu cardinale, le désossage des actifs une condition essentielle de l’appréciation du prix coté des entreprises, accéléré par l’affectation d’une partie de leurs ressources au rachat de leurs propres actions.
Les politiques monétaires furent toutes, avec quelques fois des arguments en apparence différents, voire contradictoires, mises au service de ce nouveau paradigme. Ainsi peu à peu vit-on les taux d’intérêts tendre vers zéro, sous le double effet d’une forte diminution de l’inflation dans un premier temps, puis de l’impérieuse nécessité d’alléger le coût de l’endettement qui enflait d’autant plus vite que le coût de l’argent diminuait.
Cet argent facile entrainât un affaissement budgétaire généralisé obligeant à une création monétaire débridée, les banques disposèrent de ressources sans précédent, dispensant alors généreusement leurs crédits à la consommation, moteur peu à peu unique de la croissance, mais aussi et surtout au secteur immobilier. On connaît la suite. La crise des subprimes aux États-Unis, celle à venir en Europe si d’aventure une forte et brusque augmentation du chômage et des taux d’intérêts devaient se conjuguer.
L’EUROPE AU CŒUR DU CYCLONE
De Rome à Lisbonne l’Europe a enflé, s’est faite aussi grosse que le bœuf. Chaque petit prince a ses ambassadeurs. Continent politique, procédant de la guerre, assise sur l’étonnant rapprochement franco-allemand, sous l’impulsion de Robert Schuman, Jean Monnet, Konrad Adenauer, mais aussi Paul-Henri Spaak, Alcide de Gasperi ou Altiero Spinelli, la voilà marchande, inspirée par des préoccupations que l’on ignorait encore, ou presque, à l’instant de ses premiers élargissements. On sait comment l’Euro vit le jour, comment les conditions de son épanouissement furent, bien avant sa naissance, précisées à Maastricht, puis à Amsterdam et à Nice.
Que l’Euro, dont la santé apparente ne tient qu’à l’extrême faiblesse du dollar, soit la maladie infantile de l’Europe était un risque majeur. Milton Friedman pensait qu’in fine l’Euro accroitrait, à terme, les divisions de l’Europe. Que les rigidités que supposaient une réelle politique monétaire européenne, naît entre autre et principalement de la fixation autoritaire de taux d’intérêt par une Banque Centrale européenne, ne pourraient résister très longtemps aux divergences des politiques nationales de ses membres.
Les maladies infantiles précoces peuvent être mortelles. La question n’est plus de savoir si Milton Friedman avait raison, mais bel et bien de savoir si l’Europe résistera ou retournera, comme le disait Charles de Gaulle, à ses vieux démons, à ses divisions, à ses antagonismes qui parcourent son Histoire, à commencer par le divorce du couple franco-allemand.
La disparition de l’Euro, si elle advenait dans les temps prochains, remettrait en cause, au moins temporairement, l’intérêt qu’ont aujourd’hui certains de ses membres à demeurer dans l’Union. Association marchande pour l’essentiel, privée de l’instrument monétaire qui favorise encore à ce jour grandement les échanges intra-communautaires, l’Union Européenne aurait brutalement à affronter ses réalités politiques. Qui préviendra demain les dévaluations compétitives et leurs répercussions dramatiques sur l’emploi, les salaires, le retour aux querelles entre nationalistes de tous bords se nourrissant alors du désarroi de populations lourdement frappées par le chômage et le sous-emploi. Qui dénoncera les excès des discours populistes visant l’immigration. Qui empêchera les peuples, y compris ceux des banlieues des métropoles, de manifester, de se heurter aux forces de l’ordre dans un premier temps et ultérieurement de d’aller chercher chez d’autres ce qui leur fera peut-être défaut : de quoi se loger et se nourrir. Une grande crise, une grande dépression, toucherait le continent européen de façon violente. La géographie urbaine a changé. La montée des nationalismes ne concernent plus aujourd’hui les seuls États, demain alors une nouvelle fois opposés entre eux, mais chaque nation elle-même. C’est nouveau, déborde historiquement la seule Allemagne.
Le pire n’est pas le plus certain, En attendant les marchés financiers, qui ne se plaisent guère dans l’incertitude, s’en tiennent à ce qu’en dit Daniel Pennac : Le pire dans le pire, c'est l'attente du pire.