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Le texte qui suit est la transcription d'une conférence-débat prononcée par Yves Schwarzbach, directeur d'ITeM info, lors d'un séminaire de prospective organisé pour ses cadres opérationnels par un grand opérateur de services locaux. Par rapport aux mutations induites par la transition énergétique, quels axes stratégiques et quels positionnements de tels opérateurs peuvent-ils adopter ?
De la bombe P (comme population) à la bombe U (comme
urbanisation)
En introduction, je voudrais évoquer rapidement le contexte au sein duquel se développement les vilels du 21e siècle. Les ciffres sont simples : 50% d’urbains dans le monde aujourd’hui, 80% dans 2à ou 3à ans. 7 milliards d’hommes et de femmes en 2012, environ 9 milliards à relativement moyen terme. Le phénomène galopant, aujourd’hui, est celui de l’urbanisation. A l’oeuvre partout sur la planète, l’urbanistation n’est toutefois ni uniforme ni homogène. Pour prendre quatre exemples, la Chine doit gérer l’exode rural tandis que les Etats-Unis sont confrontés à l’apparition de vastes friches urbaines (shrinking cities), que les villes indiennes accusent un retard colossal en trmes d’infrastructures, de réseaux et de serices collectifs urbains et que la ville européenne continue de s’étendre… Comment fait-on pour s’adapter ? Le premier message que j’aimerais vous transmettre est qu’il n’y aura sans doute pas de modèle unique mais plutôt des « familles de modèles », chacun tendant à résoudre une équation spécifique localement ou régionalement. Je voudrais évoquer quatre tendances qui me semble, du poinbt de vue de la stratégie d’un grand opérateur de services publics locaux, structurer l’action au cours des prochaines années.
1. Vers la ville de la transition
Dans le domaine urbain, la transition énergétique, c'est le passage d'une ville à forte empreinte carbone à une ville décarbonée du fait de la nécessité de sortir de l’impasse climatique. Ce sont aussi les plans d’action visant à repsecter les engagements des sommets de de Kyoto/Rio – et après l’échec du sommet de Copenhague) visant à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre. Le premier constat est celui d’un retard généralisé sur ces objectifs : peu d’investissements dans les énergies nouvelles (voire une tendance à la baisse), un modèle économique qui n’est toujours pas au point, des modèles alternatifs (décroissance, « slow ») encore peu convaincants y compris sur le volet social…Au-delà de la capacité à gérer la transition énergétique se pose ensuite la question des impacts sur la vie et la forme urbaines : comment adapter la ville d’aujourd’hui aux nouvelles exigences de consommation énergétique ? Classiquement, pour les urbanistes, la notion de densité s’oppose à celle d’étalement urbain. C’est aussi la dialectique verticalité versus horizontalité des constructions… Ce sont là des débats aussi anciens que la ville elle-même et force est de reconnaître que ni les politiques de planification urbaine ni la pratique, depuis le milieu du 20e siècle, n’a mis fin ni à l’étalement urbain, ni au débat entre habitat individuel et collectif. Plus intéressantes, me semble-t-il, sont les questions liées à la localisation des activités humaines (habitat, activités économiques et services, agriculture urbaine) sur des territoires en mutation. Avec par exemple des logiques de symbiose, comme celles qui sont expérimentées en Allemagne (maison à énergei positive/voiture) ou à l’occasion de projets urbains fondés sur des équipements de traitement des déchets, comme à Valenciennes ou à Vitry. Ces sujets qui renvoient bien entendu à la mixité sociale (social diffus v/s écoquartiers, avec leur tendance à la gentryfication) et à la qualité de vie, qui s’exprime en termes d’urbanité et d’aménités, donc de « bien vivre ensemble », dans un contexte où on ne peut plus ignorer la montée des violences urbaines. Dans cette perspective, la question de fond est bien : « comment les villes chercheront-elles à résoudre le trilemme énergie-climat / gouvernance / crise financière-nouveau modèle économique dans un cadre désormais "glocal", c’est à dire à la fois global et local.
2. Vers la ville agile
Il s’agit ici d’aborder, et donc dans la perspective de les articler et de les intégrer dans les solutions opérationnelles que peut proposer un grand groupe de services, les questions de la mobilité des urbains, de la porosité des espaces, de l’interactivité et donc de l’interopérabilité : aux trois échelles territoriales (humaine, urbaine, métropolitaine) et à la question des rythmes urbains (24/24, 7/7, mais aussi désynchronisation des rythmes urbains, etc.), en soi génératrices de mobilité, s'ajoutent les dimensions nouvelles apportées par la ville 2.0 (réseaux). La ville du 21e siècle est hybride, à la fois réelle et virtuelle, et vectorielle, c’est à dire qu’elle constitue un système en évolution. Par exemple, les adolescents se meuvent à la fois dans le réel et dans le virtuel : ils sont simultanément sur Facebook et « posés » en groupe dans tel ou tel lieu physique… Cet écosystème apparaît comme à la fois mobile, avec les trois mobiltiés fondamentales (géographique, sociale, professionnelle) et poreux avec l’interpénétration croissante des espaces publics et privés, la génération d'espaces intermédiaires "publics-privés" à investir, et un certain nomadisme, voulu ou subi (nouvelels pauvretés). Parallèlement, les cellules de logement, les immeubles communiquent avec leur environnement urbain, et l’énergie strucure la forme urbaine au même titre que les infrasructures traditionnelles (smart grids). En filigrane, se posent ainsi les questions de la multiplicité des usages par des clientèles de plus en plus segmentées, de l’interactivité (par exemple les applications ou groupes sur les réseaux sociaux permettant, en temps réel, aux urbains d’adapter leur trajet en focntion des perturbations sur un réseau de transport ou à des PMR de choisir leur itinéraire en évitant des travaux de voierie ou un déménagement imprévu… et enfin, pour les opérateurs, celle de l'interopérabilité de ces différents systèmes : communication humaine interpersonnelle et sociale v/s communication entre opérateurs de services urbains v/s communication entre les systèmes de gestion urbaine ? En quelque sorte, c’est l’administrateur système v/s la démocratie locale. Quel est l’enjeu ? C’est de savoir qui prend les décisions pour les citoyens. On voit bien que la ville est remodelée par Internet. Mais, avec un recul de 20 ans déjà, Internet a remis de l‘humain dans l’informatique, de la souplesse vivante dans la rigidité des process, de l’interacivité là où n’y avait que de l’information descendante. Il a permis de concilier passion et raison. Quant à dire ce que sera cet impact demain, je me contentrai d’observer que, dans la mesure où, par défintion un réseau n’a ni queue ni tête mais des polarités alternativement émettrices et réceptrices, où chacun est consommateur et producteur de contenus, ce sera ce que nous déciderons – ou aimerons – en faire, dans le cadre d’une nouvelle manière d’agréger et d’interprêter les choix collectifs. Bref, nous avons le paradis ou l’enfer entre nos mains. A nous d’agir au mieux, en profitant de l’occasion historique de la transition pour concilier un individualisme fort ET des relations sociales fortes, classiquement opposés. On voit bien que les réponses sont au moins autant d’ordre sociétal, voire comportemental, que d’ordre technique.
3. Nouveaux intégrateurs, nouvelles gouvernances ?
Face à la diversification des usages et des comportements, un des faits qui surprennent l’observateur, c’est la grande diversité des réponses apportées par chaque acteur à chaque situation et, parallèlement, le temps croissant passé à intégrer les approches, les stratégies et les actions des autres acteurs. Quand on parle de gouvernance, on est amené, désormais, à appréhender la réalité en termes de systèmes et d’intelligence collective, d’interactions et de relations. On parle maintenant de pilotage et de partenariat et la question n’est pas que sémantique. Pour tout le monde, en entreprise, dans les collectivités, c’est un peu la fin du « business as usual ». A mon sens, la principale raison en est la multiplication des centres de décision, qui est liée à l’émergence de nouveaux acteurs de l’urbain et à la diversification de leurs métiers. Les premiers intégrateurs de services urbains, ce sont aujourd'hui Internet et la carte bancaire. Aux côtés des acteurs traditionnels de la fabrique urbaine (architectes, ingénieurs et urbanistes, promoteurs, entreprises du BTP et du génie civil, opérateurs de services (transport, eau, déchets, etc.), émergent de nouveaux acteurs comme des sociétés informatiques (CISCO, IBM...), de l'énergie (Siemens, EDF, GDF Suez...), de télécommunication (Bouygues, Orange…) ou de la net économie (Google). Les opérateurs traditionnels évoluent : Vinci Parcs comme Bolloré Technologies, EDF ou Citroën deviennent loueurs de voitures… Quel rôle joueront ces nouveaux acteurs, globaux pour la plupart ? Comment impacteront-ils les prises de décisions locales et comment, réciproquement, articuleront-ils leurs logiques territoriales, avec quel degré d’autonomie ? Quelle gouvernance, quels modes de dialogue adopteront-ils pour s’adapter à un contexte où les modes de décision territoriaux évoluent ? Il y a une recomposition du paysage décisionnel au plan local, avec le développement des EPCI qui rassemblent désormais plus du 80% de la population, essentiellement urbaine. Il y a aussi des regroupements de collectivités, comme en Alsace, qui étudie la fusion de la région et des deux départements et des rtendances autonomitse comme en Catalogne, en Flandre ou en Ecosse. Dans le « mille-feuille institutionnel », entre les méta-régulateurs, comme l’OMC, l’Union européenne, et l’infra-local, le quartier, la co-propriété, la zone d’activité, l’entreprise, les échelons de trop ne sont peut être pas ceux auxquels on pense, comme le département ou les petites communes. Ce sont peut-être les états-nations qui devront disparaître. Au plan local, comment ces acteurs locaux se positionneront-ils par rapport à l’émergence de la logique bottom up, participative mais potentiellement révolutionnaire, comme les Insurgés ou Occupy dans la vie réelle ou Anonymous sur le Net ? Le constat s’impose aussi de l’inefficacité croissante des mécanismes collectifs de régulation (politiques publiques, marchés) et de l’émergence, parallèlement, d’une logique de « cluster & hub ». La tendance est peut-être à une gouvernance par grappes, unies par des réseaux, ce qui, évidemment, modifie profondement les modes de décision et les jeux d’acteurs locaux.
4. Les nouvelles offres de services urbains à l’épreuve de la crise
Mobilier urbain intelligent, co-génération énergétique à partir de déchets ou d'eaux usées, mobilités partagées, prise en compte des besoins des seniors, facturation ou taxation en fonction de la consommation réelle ou des volumes de déchets… La liste est longue des nouveaux services potentiellement commercialisables. Encore faut-il que collectivités locales, ménages et entreprises disposent d'une solvabilité suffisante pour financer ces services, dans un contexte où le financement de la transition (Grenelle II) n'est pas sécurisé et où les politiques de maîtrise de la dette (états, entreprises et ménage) obéreront longuement les perspectives de croissance. Nous assistons à la fin du monde de l’endettement, nous observons les limites de la hausse de fiscalité et la baisse de la solvabilité des ménages, des collectivités et des entreprises. Mais la crise est à la fois un facteur uniformisateur (le mouvement de paupérisation des classes moyennes, qui consacrent désormais plus de 40% de leur revenu disponible à leur logement, au sens large et près de 70% quand on ajoute la mobilité) avec comme conséquence, en termes de marketing produit (y compris les services collectifs) des axes de développement sur le low cost et le très haut de gamme (luxe) mais aussi un facteur discriminant entre les entreprises qui vont disparaître et celles qui vont améliorer leur performance, grâce à la diversification et à la décentralisation des réponses qu’elels sont apporter face à la nécessité, entre les populations qui agissent (les SEL, l’économie grise, l’autoproduction/autoconstruction) et celels qui subissent (le retour des bidonvilles ou les « shrinking cities » v/s les écoquartiers et la gentryfication), etc. La réponse d’un opérateur de services publics locaux passe évidemment par le retour au recueil de besoins, en cessant de raisonner en solutions pré-existantes, car il faut désormais sortir des seules logiques quantitatives, donc des très complexes problèmes logistiques, de dimensionnement, d’optimisation de parcs ou de flotte, de seuils, etc. L’enjeu est bien sûr de dépasser l’équation économique traditionnelle qui fera que, mécaniquement, la condurrence s’intensifiera sur les produits « basiques », à faible valeur ajoutée économique, sociale et environnementale, parce qu’on trouvera toujours un concurrent qui « cassera les prix » ou réduira sa marge. Or être écologiquent correct, c’est d’abord être économiquement performant. C’est également être socialement pertinent, donc anticiper pour pouvoir proposer. Dans le domaine de la fabrique urbaine, on parle aujourd’hui d’urbanisme négocié. Sans annoncer la fin des DSP et de la concurrence, il semble que se fasse jour l’idée de nouveaux modes de partenariats entre maîtres d’ouvrage urbains et opérateurs, dont les actuels PPP ne sont qu’un aspect. C’est enfin être naturellement conscient d’une complémentatité, statégique et opérationnelle, entre la maîtrise technique, les métiers, et l’humain. Donc allier innovation technique et innovation sociale, dynamisme commercial et dynamique collective.
© Yves Schwarzbach pour ITeM info. Octobre 2012