Workshop #2 - La bulle sociale
Par Bartolomeu.
1. L’EURO, ENFANT TERRIBLE DU VOLAPÜK
Le Sommet européen des Chefs d'état et de Gouvernement de l'Union européenne se tiendra à Bruxelles le 9 décembre prochain. On y fêtera le dixième anniversaire du Traité de Maastricht. Ce sera aussi celui du Mont de Piété, organisations de prêts sur gage créé en 1777. Comme chaque année on pensera à Saint Pierre Fourier, qui entre autres actions de bienfaisance, créât une Caisse de Secours pour venir en aide aux plus pauvres de sa paroisse.
Sommet de la dernière chance pour éviter que les organisations caritatives ne connaissent dans les temps à venir un succès que personne ne leur souhaite.
Au-delà du remplissage des caisses vides ce sommet permettra de jauger les intentions politiques des nations. Pas seulement celles du couple franco-allemand. Le traitement de la crise de la dette suppose de relever le défi des institutions européennes. Quelle Europe, pour qui, pourquoi, comment, quand ?
Entendra-t-on une voie s’élever au-dessus du maelström qui voit l’euro entrainer l’Europe avec elle au fond du gouffre ?
Verra-t-on la politique resurgir, prendre sa place ? Les hauts responsables de l’Union continueront-ils de sauver les banques, au détriment des populations des pays fortement endettés, alors que l’on sait que l’euro-dette, étant ce qu’elle est, ne sera jamais tout à fait remboursée ? Continuera-t-on de nationaliser les déficits, par l’inévitable voie de la fiscalisation, en laissant les excédents aux mains de la sphère financière ? Il s’agît ici d’espérer en un élémentaire retour à la morale politique, qui éviterait de remettre en cause, comme certains osent le faire déjà, le principe même de la démocratie, mais aussi de croire à l’efficacité réelle des mesures adoptées le 21 juillet à Bruxelles, puis reportées en octobre et en novembre faute de consensus.
Ces atermoiements répétés ont laissé le temps au temps. L’Italie a rejoint l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et la Grèce. Inévitablement, plus loin ou dès demain, la France verra sa dette déclassée, ses taux d’intérêts s’envoler et son budget atteint dans sa structure même. Le service de la dette augmente jour après jour, absorbant une part sans cesse grandissante des recettes fiscales. Moins d’équipements pour plus d’intérêts versés aux créanciers d’états moribonds. Le caractère récessif des plans de soutien promettent des croissances nulles dans le meilleur des cas, des reculs marqués des PIB en 2012 d’abord. Et un accroissement inévitablement conséquent du chômage, alors que les plus jeunes et les plus âgés sont déjà durement touchés par cette peste économique et sociale. Peut-on croire en un avenir meilleur lorsque la plage du temps de travail se réduit à une période qui continue de se rétrécir, de 25 à 50 ans au mieux aujourd’hui.
Il ne suffit pas de brandir le spectre d’une crise comparable à celle des années trente pour alerter l’opinion. Lui faire admettre des sacrifices qui apparaitront bien vite insoutenables. La Grande Crise c’était hier, au temps où le taux d’équipements des ménages en biens durables était faible. Aujourd’hui ceux qui détiennent l’épargne sont sur-dotés. Leur préoccupation immédiate est d’alléger leurs charges. De ce défaire d’un véhicule plus que d’en acquérir un nouveau. Comment omettre de considérer le vieillissement des populations du monde occidental. La dépendance a un coût qui peu à peu se surajoute aux dépenses, déjà non couvertes, des budgets sociaux. Le phénomène est naissant. Les caisses sont vides.
Jacques Attali en appelle à l’urgence de la mise en place de solidarités financières dans un premier temps, par la mutualisation de la dette, puis, ensuite, d’une intégration à marche forcée des politiques européennes, à commencer par l’harmonisation budgétaire et l’octroi de ressources fiscales qui permettraient à l’Union d’intervenir elle-même, en émettant des euro-obligations qui ouvriraient la voie aux rachats des créances en souffrance des états les plus endettés. Soit, mais après ? Comment cet amoncellement de capital à amortir et d’intérêts à payer sera-t-il remboursé ? Par qui ? Quel monde prépare-ton à nos enfants ?
Au demeurant cette perspective ne trouve pas d’écho en Allemagne pour l’instant. C’est bien là l’objet principal et dramatique de ce sommet de Bruxelles. Faire sauter le verrou du Bundestag qui a permis, à son initiative, à la Chancelière de négocier avec des pouvoirs savamment limités. La Cour Constitutionnelle allemande vient de rappeler son arrêt du 30 juin 2009 au terme duquel « l'Etat ne pourra plus abandonner de souveraineté sans changer de Constitution », condamnant par avance toute évolution de l’Europe vers un fédéralisme appelé de leurs vœux par les pays, qui espère y trouver là, le règlement à leurs difficultés intestines. Maintenir l’euro pour sauver l’Union. Aller plus loin, toujours plus loin. Se donner le temps alors qu’il faut négocier à vingt-sept, sous le joug de décisions prises obligatoirement à l’unanimité, qui devront ensuite faire l’objet d’une approbation par les parlements nationaux, voire être soumises à référendum. Le pragmatisme contre le volapük. L’immédiateté contre le renvoi aux calendes grecques. Voilà l’enjeu du sommet.